Place de Langres, nord-est de la ville, 1869-1875. 403 m/alt. Dénommé fort Constance Chlore. Un des deux forts détachés, avec celui de La Bonnelle, en construction dans la place dès avant le conflit de 1870. En fait il partage avec ce dernier toutes les dates depuis l’ordre d’étudier l’ouvrage jusqu’à l’achèvement des travaux. Situé à seulement 3000 m de la citadelle il fut absorbé dans la nouvelle ceinture aménagée à partir de 1874. Il fut étudié dès 1866 et était en état de défense en 1870. Tout le périmètre relève très clairement du système bastionné mais sans aucun organe détaché, pas même une tenaille. Tout au plus trouve-t-on au-dessus de la contrescarpe un chemin couvert traversé. La fiche technique du génie, clôturée le 19 mars 1879, montre un plan des dessus du fort. Contrairement à celui de la Bonnelle, Peigney demeurera dans sa configuration initiale. Il était prévu pour 362 hommes et 49 pièces + 22 en réserve. En temps de guerre la garnison était portée à 512 hommes. Le fort affecte la forme d’un trapèze avec bastions d’angle. Nous avons ici affaire à un fort gigogne. Un réduit bastionné concentre toutes les œuvres vives de l’ouvrage. Tous les fronts, sauf celui de gorge sont doublés d’une autre crête bastionnée épousant la forme du réduit et comprenant pour seules maçonneries de petites traverses-abris. Le fossé extérieur ne comporte aucun organe de défense, si ce n’est le chemin couvert couronnant la contrescarpe. Le réduit est séparé de la crête d'artillerie par un fossé qui est, lui, défendu depuis l’escarpe par de longues galeries de fusillade et des coffres enfilant les courtines de ce fossé intérieur. Le fossé de gorge ne pouvait être protégé que par les feux croisés provenant des dessus des flancs de la courtine, feux complétés, mais si peu, par des galeries de fusillade d’escarpe atteignant les saillants I et IV du réduit. Les deux jonctions de ce fossé intérieur avec le fossé extérieur sont barrées par des batardeaux coiffés de dames. Le bâtiment d’entrée du réduit ressemble extérieurement à celui de la Bonnelle. Le porche d’entrée franchi, on débouche dans une première cour face à une ligne de quatorze magasins séparés par le passage de la capitale. Les magasins de la partie gauche comprennent tous un sous-sol. Un escalier rampe ainsi qu’un large puits surmonté d’un fort crochet nous indiquent qu’ils s’agit là vraisemblablement d’atelier et magasins de l’artillerie. Dans ce sous-sol, un des locaux présente l’inévitable dispositif commun partout à langres mais resté inexpliqué : quatre saignées dans le sol tracées selon les diagonales du local aboutissent à un puisard central. Au rez-de-chaussée, les maçonneries du mur opposé à la façade de tous ces magasins font immanquablement penser à des casemates à tir indirect. Seulement deux canons étaient néanmoins prévus pour ce rôle. De nombreuses huisseries dont de rares portes à persiennes fixes et des soupiraux en bois garnissent encore les ouvertures. Dans un des magasins, des inscriptions religieuses en gothique et certains symboles orthodoxes garnissent les murs. À quelque distance, à gauche et à droite de cette ligne de magasins, se trouvent les deux magasins à poudre du fort. Ces derniers sont en tous points identiques à ceux des saillants I et IV du fort de la Bonnelle. Ils ont une capacité unitaire d’une trentaine de tonnes. Au mur de celui de gauche, un soldat allemand a été esquissé. Le fort a-t-il servi de camp de prisonniers durant la première guerre mondiale ? Derrière les magasins à poudre s’amorcent les gaines menant aux galeries défensives des courtines des flancs du réduit. Ces galeries n’occupent qu’une moitié de leur courtine respective. Elles possèdent chacune un coffre équipé d’un canon de 12 culasse orienté vers le front de tête. Comme leur galerie de desserte servait aussi au transit des pièces d’artillerie vers la crête extérieure, une large porte débouche donc dans le fossé du réduit. Un second retrait, parallèle et bien en avant du créneau du 12 culasse dont il vient d’être question, abritait un canon revolver dirigé lui aussi vers le front de tête, mais assurant au passage la défense rapprochée de la porte cochère par laquelle transitaient les attelages et les pièces. Les galeries défensives des saillants II et III sont plus longues, mais identiquement disposées sinon que chacune possède un petit coffre orienté vers les batardeaux des saillants I et IV du réduit. Ainsi, pas moins de cinq (il convient d’ajouter celui au centre du front de tête) plans inclinés débouchaient dans le fossé entre réduit et enveloppe pour desservir les plates-formes d’artillerie de cette dernière. En arrière du centre du front de tête, le casernement de la troupe aligne ses huit travées séparées en deux blocs de quatre par le passage en capitale, sur deux étages. Très joli, bien aéré et demeuré très sain ce casernement propose au visiteur plusieurs belles maçonneries surtout au niveau des puits de communication avec le cavalier d’artillerie. Ce dernier, composé de cinq traverses-abris et six plates-formes de tir, constitue le seul élément « offensif » du réduit. Toutes les autres pièces de rempart étaient disposées sur la crête de l’enveloppe. Cette dernière comptait dix traverses abris, soit une à chacun des bastions I et IV et quatre, dont une enracinée, dans les bastions III et IV. Les escarpe et contrescarpe de cette enveloppe sont en terre coulante, sauf au niveau du fossé de gorge. La capitale traversant le casernement commence par une galerie très haute dans la partie supérieure de laquelle, reposant sur d’épaisses poutres métalliques, un imposant réservoir peut encore être observé. Dans chacun des retours d’aile de cette caserne, se trouve un puits. Celui de droite possède encore le support en métal de sa pompe. Hormis l’escarpe du réduit qui apparaît très dégradé sur le front de tête, on peut considérer que le fort est dans un bon état général. Visité en octobre 2002, nous avons pu constater que le Conservatoire du Patrimoine Naturel de Champagne-Ardenne avait ménagé la chèvre et le chou en veillant à garantir la quiétude des Chiroptères en posant des grilles sur le magasin à poudre droit ainsi que sur la galerie d’escarpe du front III-IV, mais que les mêmes organes du flanc gauche étaient demeurés accessibles. Amateurs de fortifications et protecteurs de la nature y trouvent ainsi chacun leur compte et c’est très bien ainsi. Peigney est un fort pour le moins atypique et, à notre connaissance, sans pareil en France. C’est à croire que l’on a voulu mettre en pratique une nouvelle conception de la fortification en présentant une crête d’artillerie détachée du réduit et coiffant un talus en terre coulante. Pourquoi le Génie local a-t-il accepté ou opté pour cela ? Pourquoi n’avoir pas agi de même à la Bonnelle ? Ces deux forts mériteraient assurément une étude autrement exhaustive que les quelques présentes lignes. Le fort est encore (10/2007) propriété de la protection civile de Chaumont qui en autorise parfois la visite sur demande écrite.