Place de Lorient, Belle-Île. Les colères de la mer frappant la pointe nord-ouest de Belle-Île ont été immortalisées par nombre de photographes. Il est facile, même en dehors de la France, de se procurer de splendides posters des flots déchaînés se jetant à l’assaut des fiers rochers, du petit phare et de l’humble corps de garde que l’on s’étonne de ne pas voir balayés par la puissance des éléments. Il m’est arrivé souvent de regarder de tels instantanés, de rêver assister à pareil spectacle. Las, en ce début du mois d’avril 2012, la mer était d’un calme absolu sous un agréable soleil printanier. Mais pour pouvoir écrire ces lignes, n’était-ce pas de loin préférable ainsi ? Mondialement connue, la pointe des Poulains doit aussi sa renommée à la comédienne Sarah Bernhardt (Paris 22/10/1844 – Paris 26/03/1923) dont la vie, certes de grandeur, mais aussi, hélas, pour partie de souffrances, passionna la planète entière. En 1894, cette dernière acheta le corps de garde de la pointe, qu’elle aménagea en résidence secondaire. Vauban ne préconisa ici que des retranchements barrant les trois petites plages défendues naturellement par les rochers. L’îlot des Poulains, là où se trouve désormais le phare, fut occupé par une batterie avec corps de garde et magasin à poudre qui se vit adjoindre, en 1793, un four à réverbère. Il n’en reste pratiquement rien aujourd’hui. La Commission de défense des côtes de 1841 juge la pointe de troisième importance, supprime la batterie (+ une seconde au SSO de la villa Lysiane ?) et émet l’avis de construire un poste garde-côte pour une trentaine hommes d’infanterie qui sera concrétisé en 1859 sous la forme d’un corps de garde crénelé modèle 1846 n° 3, portant l’inscription, désormais presque totalement effacée : Poste de la Pointe des Poulains – 1859. Monsieur Henri Malécot, propriétaire du poste de Port-Maria, nous autorise aimablement à reprendre ses lignes : Déclassé en 1874, le corps de garde est acquis le 11 novembre 1894 par l’actrice Sarah Bernhardt qui l’aménage à grands frais et y vient tous les ans. Elle se crée un véritable domaine et si, à partir de 1908, elle occupe le manoir voisin de Penhoët qu’elle a acheté après la mort du baron Meunier du Houssoy, elle conserve le fortin. Son fils, Maurice, ne le vendra qu’après sa mort, en 1923. Un temps propriété de Mme et M. André Larquetout, plus connus comme mécènes de la Citadelle, le site des Poulains a été acquis en 2000 par le Conservatoire du Littoral. Inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques le 30 octobre de cette même année, il est géré par la Communauté de Communes de Belle-Île. Le rez-de-chaussée du Fort a été réaménagé en 2006 à l’image de ce qu’il était à l’époque de Sarah Bernhardt, et se visite. Le Manoir de Penhoêt, au demeurant fort laid, a été détruit par les Allemands en 1944. Nous nous permettrons d’y ajouter que les hauteurs différentes du rempart de la terrasse sont probablement consécutives aux aménagements de chambres non conservées lors de la restauration de 2006. Il doit en être de même pour les baies plus larges du front I-II, orienté vers l’îlot de la Pointe, pouvant évoquer des embrasures pour de l’artillerie de petit calibre. Du pont-levis originel, il ne reste rien et des baies ont été naturellement percées au rez-de-chaussée pour éclairer l’intérieur de la bâtisse. Les aménagements touristiques tant de la villa Lysiane que du poste, alors que nous avions une approche portant exclusivement sur l’aspect militaire, ont réussi à nous intéresser à la vie de cette grande dame, sans nul doute une des premières véritables star planétaires. Assurément un site à ne pas rater.