Place de Dijon, nord-est de la ville, 1877-1880. ± 230 m/alt. Dénommé fort Charlet. Varois-et-Chaignot est une petite commune sur la nationale 70 venant de Vesoul, voie probable d'invasion. En 1877, lorsque l'on commença à construire le fort, on le fit en plein dans l'axe de la route, obligeant cette dernière à contourner l'édifice militaire. Il fallut près de quatre ans, jusqu'en 1880, pour mener à bien sa construction, période durant laquelle, le 30 août 1879, on déplora le décès accidentel d'un ouvrier italien. Le marché pour l'exécution des travaux de construction du fort de Varois et de la redoute de Saint-Apollinaire est signé entre le chef du bataillon du Génie de Dijon, Pierre RICHARD, et l'entrepreneur de travaux publics François FERRY. Ces sont les carrières de Comblanchien et d'Is-sur-Tille qui en fourniront les pierres. Édifié en avant de la redoute de Saint-Apollinaire, c'est un fort pentagonal aux fossés défendus par deux ailerons (saillants II et IV), une caponnière double (saillant III) et deux coffres croisant leurs feux depuis les flancs de la courtine occupant le centre de la gorge. Ces coffres sont prolongés par une galerie couverte comprenant quatre créneaux de tir au fusil, galerie communiquant directement avec le chemin couvert de l'escarpe demi-détachée laquelle, sur tout le périmètre du fort, comporte des créneaux de tir au fusil. Ce chemin couvert est relié à chaque caponnière par une poterne. Les caves à canon des coffres sont surmontées, en arrière des petites visières, d'un énorme puits vertical et rectangulaire pour l'évacuation des fumées de tir. Dans le coffre droit la pièce de 12 culasse était installée côté contrescarpe et inversement dans celui de gauche. La contrescarpe, sur tout son périmètre, est en arceaux en décharge. L'entrée, précédée d'un petit ravelin en terres levées, est particulièrement bien dégagée. Le porche d'entrée a bénéficié des soins d'ouvriers consciencieux. Réalisé en parements horizontaux pour les piédroits et suivant l'arc de la voûte pour la partie entre cette dernière et le fronton, les moellons de grès rose alternent avec ceux de pierre calcaire, les premiers étant en relief par rapport aux seconds. Du pont-levis à bascule en dessous, il ne demeure que quelques vestiges au niveau de la petite poterne sous le passage d'entrée. Toutes les cloisons légères du rez-de-chaussée du bâtiment d'entrée ont disparu. Nous y noterons la présence des montants de la hotte des cuisines et un bel alignement de neuf auges en pierres surmontées de l'ossature en bois de râteliers à foin. Au sous-sol de ce bâtiment subsistent des bacs à eau. Lorsque l'on débouche du tunnel de l'entrée, on se trouve dans une cour face aux deux fois cinq travées sur deux niveaux du casernement. Entre les deux séries de cinq, une travée plus étroite voit passer la galerie en capitale laquelle s'en va desservir le saillant III. Seuls les piédroits et les arcs des voûtes des chambrées ont été conservés. Les portes et fenêtres en façade ont été soigneusement démolis et partiellement remplacées par des vitres assurant à certains bureaux aménagés un maximum d'éclairage. Force est de reconnaître que l'effet est plutôt réussi. Le crépi des murs enlevé, la pierre nue très éclairée par le jour crée une atmosphère de travail des plus agréables. La cage d'escalier menant au premier étage et, de là, au débouché d'infanterie de gauche, est une des plus belles qu'il nous ait été donné de voir. Les rambardes d'origine dessinent avec des œils-de-bœuf, des voûtes au parement impeccable, des volées d'escaliers éclatant dans des directions différentes, un ensemble architectural remarquable, éclairé tant par les fenêtres des chambrées que par un puits à lumière judicieusement placé dans le plafond. Le couloir de circulation du premier étage repose sur des poutrelles reliées par des voussures et laissant un espace libre entre le mur en vis-à-vis des chambrées et la surface de circulation. Dans ce même couloir de circulation, mais à l'arrière des pièces du rez-de-chaussée, sur la gauche du grand casernement, nous trouvons deux magasins à cartouches placés tête-bêche. Dans celui de droite, l'humidité et des infiltrations d'eau ont manifestement posé des problèmes. Comme d'habitude dans ce cas, des gouttières récupératrices en métal ont été noyées dans un crépis hydrofuge ; cependant, leur densité et leurs orientations tous azimuts sont ici particulièrement exceptionnelles. Les créneaux à lampe de ces magasins sont placés à 70 cm de hauteur, ce qui est très particulier. Les deux magasins à poudre offrent un spectacle inhabituel. Le local de stockage faisait pas moins de 20 m de long sur 6 de large. Il nous faut bien utiliser l'imparfait puisque seule la pièce extérieure et la façade du sas ont été maintenues. Des plans que le propriétaire nous a laissé consulter, on retire les précieux enseignements suivants : les gaines de circulation avaient, côté cour, une largeur de 100 cm et côté rue du rempart seulement 60 cm ; la chambre aux lampes avait une largeur de 160 cm pour une longueur de 8,55 m ; l'épaisseur des murs de la pièce de stockage variait entre 47,5 cm et 48,5 cm ; l'espace libre entre les deux cloisons à la clef de la voûte était de l'ordre de 10 cm pour, nous venons de le voir, atteindre 100 et 60 cm au niveau du sol ; deux accès aux vides sanitaires sous la pièce de stockage s'ouvraient dans le plancher de cette dernière, à 60 cm en avant du mur abritant les créneaux aux lampes ; malheureusement, nous n'avons découvert aucune indication sur le nombre et la disposition de ces derniers. Concernant le nombre et la nature des contreforts, quelques vestiges nous montrent qu'ils étaient en briques, de section presque carrée avec 40 cm de côté, et au nombre de sept du côté entrée du sas et huit du côté opposé. Sous toutes réserves, nous pensons que chacun des deux magasins pouvait contenir au moins 80 tonnes de poudre. Retenons enfin que celui de gauche possède encore son paratonnerre. La caponnière double à la tête du fort possède une descente sous la forme d'un escalier-rampe. Il comprend une seule volée de 22 marches (marche de 28 cm et contremarche de 17 cm). Les descentes vers les ailerons sont, quant à elles, en terre battue. Tous ces organes de défense possèdent trois embrasures par direction de tir. L'escarpe demi-détachée a, chaque fois, une communication directe avec la gaine de flanquement d'escarpe ; cependant elle ne se trouve pas dans le même axe que cette dernière, mais bien décalée d'un bon mètre cinquante vers le fossé. Ce dispositif incongru obture aux trois quarts le champ de tir de la pièce installée côté escarpe. Les canons de 12 culasse étaient placés au centre, sauf celui tirant vers le saillant IV qui a été installé côté contrescarpe. Ici, point de plate-forme en béton mais bien une mixte modèle 1866 comprenant le pivot du lissoir directeur enfoncé dans un bloc bétonné de 50 cm de long sur 41 de large et un support arrière (disparu) en bois. Notons encore la présence d'un escalier métallique dans la galerie de flanquement d'escarpe droite de la caponnière double. Il permet l'accès à une petite position d'infanterie coiffant la caponnière. La rue du rempart joint les saillants I à V. Elle aligne treize traverses dont trois seulement enracinées (abritant les gaines vers les organes de défense des fossés) et deux servant de casemates à tir direct. Ces dernières sont situées au centre des fronts II-III et III-IV. Si la maçonnerie y est impeccable, la façade de leur entrée se détache sous la poussée des terres de couverture. Pour remédier à cela on a, en son temps, fixé des fers plats, longs de 2,5 m, au faîte et à la naissance de l'arc de voûte de l'entrée. Ce dispositif nous a rappelé celui observé dans les chambrées du fort de Montavie à Grenoble où des problèmes identiques ont nécessité un renforcement similaire. Retenons encore que les abris sous traverse ont tous des bras dont le débouché est en retour vers l'arrière, que les fours à pains ont été démontés et que la cour possède un puits d'eau potable, tous deux dépourvus de margelle, à chacune de ses extrémités. Le fort de Varois possède sur ses glacis, tout contre son front IV-V, une batterie annexe faite d'une ligne de 10 traverses dont seules les sixième et dixième sont creuses. En raison de la prolongation du parapet frontal, il n'est pas exclu que deux traverses supplémentaires aient existé, comme le laisse supposer l'état de l'armement qui y prévoit 14 canons en plus des 26 de rempart et des 12 de flanquement du fort, ce qui amène un total de 52 pièces. La probabilité d'une seconde batterie en arrière du fort nous a été évoquée, mais du fait de l'urbanisation, on n'en distingue plus trace. L'actuel propriétaire a acquis le fort en 1985, pour la modique somme de 450.000 francs. Il avait de grandes ambitions pour ce site. Il était question d'y installer des espaces ludiques, des artisans, des entreprises, des commerces et même une pizzeria. Cet ambitieux projet ne semble pas actuellement (05/2002) avoir reçu l'assentiment des autorités locales. Le fort ne se visite pas. Parfois appelé "fort de Varois-et-Chaignot".