Place de Cherbourg, nord-est de la ville, 1779-1792. Le fort construit à la fin du XVIIIème siècle comprenait une enveloppe et un réduit séparés par un fossé aquatique, concept inédit que les plus grands du monde d'alors vinrent contempler. L'ensemble affectait la forme d'un fer à cheval dont les branches divergeaient. Le front de tête, fortement arrondi, était doté d'un épais parapet formant ressaut. La gorge, devant laquelle le fossé s'élargissait, mesurait 108 mètres de longueur avec, en son centre, une courtine de 36 mètres à sa base. La courtine était encadrée de deux bastions dont le prolongement des retours constituait l'arc de cercle du front de tête. La capitale du réduit, depuis de front de tête jusqu'à l'aplomb de l'entrée, faisait 58 mètres. La courtine était occupée par le casernement lequel donnait sur une cour de laquelle on avait vue sur l'arrière ouvert des vingt casemates à canons de l'hémicycle. Il y avait donc un air de famille avec l'ouvrage 1 de Querqueville. L'enveloppe extérieure disposait de plusieurs batteries constituant un ensemble ayant des actions dans tous les azimuts. Le fort connut de nombreuses variations dans son armement. Sans être exhaustif, relevons qu'organiquement et en attendant la mise en service du fort du Musoir Est, il fut fixé, à trente canons de 30 et autant d'obusiers de 22 c. En 1843, le fort fut remis à la Marine qui, en 1847, l'avait doté de 35 canons de 36 et de 24 obusiers de 22 c. Ces chiffres varièrent en fonction de l'amélioration des bouches à feu. En 1875 déjà, on envisagea de doter le fort d'une tourelle cuirassée. Vers 1890, l'armement peut-être décrit comme suit : 5 canons de 27 c modèle 1864-66 dans la partie gauche de l'hémicycle de casemates ; 5 canons de 24 c modèle 1870 dans la partie droite de l'hémicycle de casemates ; 3 canons de 47 mm T.R. au saillant I de l'enveloppe ; 4 canons de 19 c mle 1864-66 au saillant III de l'enveloppe ; 2 (4 ?) canons de 24 c modèle 1864 Te 1870 à hauteur du bastion I et braqués vers la passe Collignon. Le poste V des défenses sous-marines, disposant d'un feu fixe, était logé dans le bastion I. Un feu chercheur avait été établi dans le parapet de l'enveloppe sur front de tête, peu à droite de l'axe de la capitale. Un passage sur le fossé aquatique était d'ailleurs ménagé pour desservir ce feu et, bien avant lui, des pièces tirant à barbette. Des canons de 16 c ont aussi équipé le fort dans les années 1880-85, mais leur présence fut brève. Vînt alors la refonte complète du fort. La digue de l'Est étant construite, elle allait faciliter l'arrivée des matériaux. La majeure partie du fossé aquatique et la totalité de la cour du réduit allaient disparaître sous une chape de béton laquelle engloberait au passage la majeure partie de l'enveloppe extérieure. En fait seule l'entrée allait demeurer en place ; les moellons du parement de la courtine et des bastions à la gorge seront doublés d'une sérieuse épaisseur de béton. Le fossé aquatique sera réduit à couvrir la moitié de la face sud-est du bastion II (saillant III), restera tel quel devant la courtine et sa largeur sera fortement diminuée devant la face sud-est du bastion I, tout en contournant le saillant I sur une douzaine de mètres. L'agencement des locaux ne laissera subsister aucune trace de ce qui précédait. Tout au plus peut-on estimer que le couloir de circulation à l'arrière des chambrées constitue la base de l'ancienne cour. Ce qui n'a pas subi de modifications en revanche, c'est la courtine au centre de laquelle se trouve le pont-levis de l'entrée, pont dit "à la Lacoste". Le tablier du pont de l'entrée principale ayant disparu, il convient d'entrer dans le fort par l'entrée ouest. Après avoir franchi le portail du ravelin, ravelin portant l'emprise du fort à 127 m en capitale, il faut passer entre le fort et un bâtiment où se concentraient de nombreux magasins et se diriger vers le saillant I. Entre ce saillant et son opposé, le III, le fort mesure 175 m hors tout. Dans l'arc de ce saillant I, se trouvent les trois dernières embrasures subsistantes de l'enveloppe originelle. Sur leur droite et jusqu'à l'entrée ouest, une surélévation de béton forme terrasse. Nous avons là trois époques d'aménagements. De la première batterie il demeure le sol et les deux traverses en béton avec niches latérales pour les coups du sûreté. Elles séparaient trois plates-formes en léger décrochage pour, chacune, 2 canons de 47 T.R., soit un total de six pièces. Ensuite, les murs en arc de cercle sont les limites des deux cuves pour canon de 75 mle 1908 que les Français ont placé là dans l'Entre-deux-guerres. Enfin, coiffant la cuve de gauche, un petit poste d'observation est un de ces "Sonderbauten" dont les Allemands ont constellé le littoral Atlantique. Cette terrasse et l'escarpe de ce qui fut le réduit convergent vers le porche de l'entrée latérale. Les galeries ont, pratiquement toutes, leur voûte en anse de panier. Leurs dimensions, une hauteur de 6,50 m pour une largeur de 4,50 m, sont en elles mêmes exceptionnelles. On dirait qu'à l'inverse de toute construction que l'on élève de bas en haut, ici, le niveau a été pris depuis la terrasse supérieure du fort existant, niveau duquel on a retranché une épaisseur de trois mètres de béton et que, cette dalle étant jugée suffisante, le solde de la hauteur allait tout simplement conditionner les dimensions des galeries sous-jacentes. On a donc considéré l'aménagement de haut en bas. Il n'est guère aisé de décrire le réseau de galeries. Leurs axes généraux tracent un énorme "W" dont la ligne des dessus des jambages constituerait le couloir de circulation à l'arrière des chambrées de la gorge ; chaque jambage possédant sa cohorte de diverticules et la pointe centrale étant en retrait. Commençant la visite par l'entrée ouest, les premiers locaux sur la gauche sont ceux, chambre, usine et poste "V" des défenses sous-marines. Au delà nous avons l'alignement des trois casemates pour canons de rupture de 32 c. Ces casemates sont implantées dans le début de l'arc du saillant II aussi ont-elles des longueurs s'amenuisant au fur et à mesure que l'on s'approche de ce saillant. La plus grande longueur de la casemate de gauche fait 17,50 m, et la plus petite de la casemate de droite, 10 m. Toutes ont une largeur de 6 m pour une hauteur, nous l'avons vu, de 6,50 m. Le seuil de leur embrasure, à 180 cm du sol, donne une idée de la taille du canon installé ici. Sur la droite de ces casemates, se trouve le magasin de leurs projectiles. En vis-à-vis, de l'autre côté du couloir, d'autres magasins à projectiles, que ce soient ceux de la batterie de 47 mm ou des 320 mm tirant à barbette depuis les dessus, occupent l'essentiel de l'espace avec, en plein centre du fort, une énorme usine électrique, malheureusement ferraillée. Adossée au front de tête, front d'une épaisseur de cinq mètres, se trouve une ligne de locaux de modestes dimensions. Là étaient les cellules disciplinaires, la lampisterie, un magasin à charbon et un autre pour le pétrole. En vis-à-vis du casernement, nous trouvons des locaux regroupant cuisines, réfectoire, lavabos, tisanerie et un local pour les filtres Chamberland. Le fort de l'Île Pelée compte quatre citernes de contenances respectives de 30, 50, 70 et 112 m³ soit une capacité totale de 262 m³. Elles recueillaient les eaux pluviales et toutes sont situées sous le niveau du radier des locaux. Pour alimenter la machinerie de ses deux usines électriques, le fort possédait quatre réservoirs, tous placés en hauteur, soit trois de 2 m³ et un dernier de 4 m³. Vu la pléthore d'éviers de lavoirs, de bornes fontaines et de latrines, l'étude du système d'eaux de ce fort devrait être passionnante et instructive. Tous ce lacis de galeries est parcouru par une voie ferrée étroite qui desservait les différentes batteries depuis leurs magasins et ces magasins depuis les quais du petit port à l'arrière du fort. Le casernement est circonscrit à la gorge du fort, réparti sur deux étages. Outre des chambrées, on y trouvait également le logement du commandant, un corps de garde, un bureau de télégraphie, une cantine, un cellier,… Au premier étage, il y a lieu de noter la présence d'un croquis mural représentant une femme, genre indonésienne, d'une frise dont une partie représente une coupe en capitale du premier fort et de croquis allemands dont le trait rappelle étrangement d'autres croquis des murs du fort de Petite-Synthe. Au saillant III, nous trouvons les magasins et monte-charges de la batterie de 100 mm des dessus du fort ainsi que l'accès à la batterie basse de 4 x 274 mm et l'abri de jour des trois projecteurs dont les abris de combat sont répartis à intervalles réguliers sur la partie droite du front de tête. Ces projecteurs utilisaient une seule et unique voie ferrée étroite et passaient d'un abri de combat au suivant grâce à des plaques tournantes. Une dernière batterie, plus pacifique, composée d'un alignement de six latrines a été installée en porte-à-faux de l'escarpe de l'enveloppe. Les dessus du fort peuvent être gagnés soit par un escalier aux saillants I et II, soit par un dernier escalier, plus large, longeant un plan incliné assez impressionnant. Ce plan incliné avec ses deux voies ferrées étroites parallèles, servait pour l'acheminement ou le retrait des canons de la plate-forme sommitale du fort. Notons la présence d'un niveau intermédiaire lui aussi densément pourvu en voies ferrées étroites et ne couvrant que le tiers droit du fort, pour les besoins des canons de 32 c tirant à barbette. En quelques mots, les dessus peuvent être décrits comme suit : partant du saillant II au saillant III, une crête de feux d'artillerie aligne face au nord six emplacements de tir pour canons de 32 c de rupture tirant à barbette. Ces emplacements, quatre simples et un double, sont séparés par d'imposantes et larges traverses pleines ne dépassant pas en hauteur l'épais parapet. À la droite de ces canons, nous trouvons l'emplacement des quatre canons de 100 mm T.R. modèle 1897 sur affûts M modèle 1897 P.C. lesquels dominent la batterie de 274 mm sise en contrebas. En arrière des pièces de 32 c, se trouvaient un mât de signaux et un poste électro-sémaphorique. À très peu de choses près, c'est tout ce que supportait la dalle de ciel du fort en 1914. Aujourd'hui par contre, ce qui ressemble à des cuves de D.C.A. sont venues s'ajouter et nous ne leur avons pas accordé suffisamment d'attentions pour en déterminer l'origine : française ou allemande ? La visite du fort est soumise à l'autorisation de la Marine nationale (06/2007).