Taillefer (batterie puis fort de)[t1][47.363614 N, 3.157855 W]

Place de Lorient, Belle-Île, 1 500 m au nord de la citadelle du Palais. 30 m/alt. La pointe de Taillefer forme grosso modo un angle droit où le rivage de Belle-Île passe d’une orientation ouest-est à une nord-sud. Ses vues sont donc optimales et cela n’échappa nullement à Vauban qui y préconisa une batterie de quatre pièces de 18. Les choses ne traînent pas puisque en 1705 une batterie est renseignée sur la carte de Nicolas de Fer. En1780 on remodèle la batterie avec un corps de garde et un magasin à poudre. En 1793 on y ajoute un four à réverbère. Vers 1824, on y trouve trois caronades de 36 et un mortier de 12. La Commission de 1841 décide naturellement de conserver la position et de l’améliorer, mais il faudra attendre 1860 pour que l’on s’y attache sérieusement. On construira alors un corps de garde modèle 1846 intermédiaire entre les n°s 2 et 3. Parfaitement défilé, ce dernier est placé en arrière d’une batterie devant être armée de 5 canons et 1 mortier. La réorganisation de 1882 et 1883, conformément à une décision de la commission de défense des côtes du 11 juillet 1874, implique l’aménagement d’une enceinte avec portail défendu par un pont-levis à bascule en-dessous. Le front I-II du réduit fait partie intégrante de l’escarpe, tandis qu’on l’écrête et qu’on le recouvre d’une épaisseur de trois mètres de terre, tout en ménageant une étroite galerie, large d’à peine un mètre, le long de ses trois autres fronts. Un accès sera aménagé à chaque extrémité de la grande médiane du corps de garde. Deux énormes pas de tir à parapet en demi-cercle, séparés par une traverse creuse et jouxtés sur la droite par un magasin à poudre, font alors face au nord. Singulièrement, nous n’avons pas trouvé trace de quel armement devait y prendre place. Avec la crise l’obus-torpille, seules deux batteries seront modernisées sur Belle-Île : Taillefer et Gros Rocher. La paire classique, une batterie de bombardement appuyée par une batterie de moyen calibre, sera installée sur une ligne au sud de la batterie de la pointe, désormais orientée à l’est-nord-est. Cela semble déterminer qu’en 1882, on souhaitait interdire le passage entre l’île et la presqu’île de Quiberon, tandis qu’en 1888, la défense des approches du Palais semble privilégiée. Le réduit sera jugé apte à l’entreposage des obus chargés à la mélinite, tout en servant de casernement. En 1893, un magasin sous roc est creusé sous la ligne des quatre pièces de 24 c G modèle 1876 sur affût à pivot central. N’était-ce l’impossibilité de vérifier in situ la singularité des communications avec le pallier supérieur de l’escalier d’accès signalée au fort du Gros Rocher, pour le reste, ce magasin a les mêmes dispositions et dimensions que celui de ce dernier. Dans les archives soigneusement répertoriées par la Société Historique de Belle-Île, on relève, au sujet des voies aériennes dans ces magasins, le détail suivant : En palier, un homme pousse 200 kg sans effort sérieux. Avec une rampe au 1/7, il pousse encore 200 kg, seul si la rampe est courte, aidé d’un homme en renfort si la pente est un peu longue. En cas de croisement sur un rail unique, le charriot vide est décroché et déplacé à la main. Les quatre pas de tir sont séparés par des traverses pleines et reliés par une voie étroite. Sur la droite, une ligne de locaux faiblement bétonnés relie les deux batteries. Celle de 4 x 95 mm est agencée en deux paires d’emplacements de tir longés sur leur arrière par une communication en tranchée avec niches à coups de sûreté tant côté pièces qu’à l’opposé. Cette tranchée court tout le long des deux batteries pour rejoindre en un plan incliné l’entrée de la batterie de la pointe. Les projectiles devaient être répartis entre deux locaux du réduit (300 obus ordinaires et 100 de rupture) et la traverse-abri qui accueillait 180 obus ordinaires. En cas de guerre, une grosse moitié des projectiles du réduit devait être transportée dans le magasin sous roc. Fin décembre 1902, il est décidé d’acquérir des terrains pour la construction d’une batterie de 4 x 95 mm sur affûts de côte. S’agit-il de la batterie sise dans le prolongement de celle de 24 ou bien des terrains de la batterie annexe orientée au nord-ouest ? Cette dernière, aujourd’hui totalement arasée, était prévue pour 4 pièces de 95 mm sur affûts de campagne et comprenait quatre emplacements alignés et séparés par des traverses pleines dont la racine était revêtue de maçonneries ce à quoi s’ajoutait un poste de commandement et de tir sur la droite. Les canons de 24 c furent retirés en 1915 au profit du front terrestre. Au début des années 1930, la position fut retenue pour l’établissement d’une batterie de 4 x 138 mm. Le meilleur parti sera tiré de l’existant mais les quatre cuves furent nettement séparées les unes des autres. La pièce n° 1 sera installée à l’emplacement du pas de tir n° 2 de l’ex-batterie de 24 c. La n° 2 aura sa cuve bétonnée entre la batterie de 24 c et l’entrée de la batterie de la pointe. La n° 3 sera fixée dans le vaste pas de tir droit de la batterie de la pointe, tandis que la dernière prendra place hors du périmètre, quelques dizaines de mètres au sud-ouest du réduit. À proximité de cette dernière, deux emplacements pour canon de 75 D.T.C.A. sont encore visibles. Enfin, non loin du réduit, dont l’accès nord-ouest est protégé par un masque réalisé avec les débris de la traverse-abri, on trouve un poste de commandement et de tir typique des années trente, avec deux des trois visières protégées par de vieilles plaques de blindage provenant de quelque navire de guerre déclassé. Notons à proximité du réduit, un sémaphore modèle 1861 dont la présence fit l’objet de maints courriers car il constituait un point de repère trop évident. Il ne sera toutefois jamais déplacé et après avoir été modernisé par l’adjonction d’une chambre de veille supérieure, a finalement été désarmé en 1999 et vendu à un particulier en 2006. Les canons de 138 seront conservés par les Allemands (Stp I 303) et ferraillés en 1947. Notons que les Allemands ne semblent pas avoir coulé de béton ici, se contentant d’utiliser l’existant. Le site fut, plus tard, occupé un temps par le GERBAM (Groupe d’études et de recherches en balistique armes et munitions) dépendant de Gâvres. Totalement ferraillé hormis les plaques blindées du poste de commandement et des étagères métalliques et deux wagonnets abandonnés dans le magasin sous roc. Ce magasin a son accès muré (04/2012) mais les poulies au niveau supérieur du monte-charge, datant de l’ultime modernisation de la batterie, sont encore là. Le fort de Taillefer, dégagé de toute servitude défensive par décret du 24 novembre 1997, est, depuis 1999, la propriété de la ville de Palais qui s’efforce de l’entretenir. Le site est désormais libre d’accès. Une visite s’impose, paradoxalement surtout pour les rares installations de l’Entre-deux-guerres qui sont très spectaculaires avec des tranchées bétonnées très profondes. Depuis le 30 octobre 2000, le site est inscrit à l’inventaire supplémentaire des bâtiments historiques.

Le réduit ▼

La batterie de 24 c ▼

La batterie de 95 ▼

Le sémaphore ▼