Querqueville (fort de)[q9][49.671300 N, 1.683069 W]

Place de Cherbourg, nord-ouest de la ville, 1787-1806. La pointe de Querqueville est située entre l'anse de Querqueville à l'ouest et la baie de Querqueville à l'est. Cette baie, englobée par la digue de Querqueville, constitue l'extrémité ouest de la grande rade. Avec une telle situation, qui plus est 3000 m au nord-ouest de l'arsenal, il convenait de faire de cette pointe un pilier essentiel de la défense. Cette pointe peut s'imaginer comme un carré d'un kilomètre de côté dont les diagonales indiqueraient les quatre points cardinaux. Si, aujourd'hui, seul le front nord-est a conservé ses défenses, d'autres batteries occupaient le terrain dans la période nous intéressant. Le fort de Querqueville connut une genèse qui valut bien des tracas à ses concepteurs tant et si bien qu'il ne fut achevé qu'en 1806. Il fut construit sur l'emplacement d'un ancien fort dont le front de tête était aussi un arc de cercle, mais nettement plus petit et non casematé. Vu du ciel, ce fort est constitué d'un hémicycle, comme tracé au compas dont la pointe eût été fichée dans le passage couvert de la gorge. Cet hémicycle s'étend en fait sur sept douzièmes d'un cercle parfait, donc débordant légèrement du diamètre. Ce débordement définit la brisure de la gorge qui apparaît en chevron. Pour sa construction, ce sont les conceptions de Montalembert qui inspirèrent l'ingénieur de Caux car, à l'époque, surtout pour des questions d'enfumement lors des tirs, les casemates n'étaient pas bien considérées. À cet argument, on opposait une quasi invulnérabilité des pièces dont l'affût à aiguille autorisait un débattement maximal pour une embrasure minimale, sans parler de l'escarpe courbe n'offrant aucun replat aux tirs d'écharpe. L'hémicycle aligne 49 casemates à canon, casemates ouvertes à l'arrière sur une vaste cour. Un casernement à deux niveaux occupe la gorge, mais deux autres casemates à canon occupent le rez-de-chaussée de chaque côté, prolongeant ainsi les lignes de l'hémicycle et portant à 53 le nombre d'embrasures à garnir. Il semble bien que jamais il ne fut envisagé de créer par dessus ces casemates un étage de feux pour pièces à barbette ; en effet tant la fréquence de la méchante humeur des flots de la Manche que la faible hauteur de la construction n'auraient pas manqué de faire reculer les initiateurs d'un pareil projet. Par gros temps, les flots impétueux viennent s'abattre jusque dans la cour. Il est évident que les embrasures de l'hémicycle étaient murées et découvertes uniquement en cas de besoin. Néanmoins, les archives montrent un projet de 1876 qui aurait consisté en l'élévation d'une butte à l'intérieur de la moitié gauche de cette cour, butte qui aurait supporté quatre canons de 24 c. Le front de terre était déjà bastionné, mais la configuration actuelle ne fut établie qu'après 1850. La présence dès le départ de ces deux bastions, dont l'oriental couvert par une lunette, explique l'absence de défense perpendiculaire de la gorge du fort. Les fronts de terre et de mer apparaissent alors comme un vaste ensemble, presque rectangulaire avec un bastion à chaque angle, hormis au saillant III, où se trouvait l'hémicycle casematé, la grande médiane de cet ensemble étant constituée par un fossé en eaux alimenté par la mer. En 1850 donc, on remanie tout ce qui se trouve en dehors de l'hémicycle. La médiane en eaux est brisée pour épouser les nouveaux fronts latéraux dont l'arrière constitue désormais la nouvelle réelle escarpe de l'ensemble. Les ouvrages au-delà du fossé aquatique étant arasés, on ne laisse plus sur la rive sud du fossé qu'un petit ravelin crénelé protégeant vaille que vaille la nouvelle entrée d'escarpe d'un tir direct. L'ensemble va très vite être divisé en quatre ouvrages numérotés de 1 à 4. L'ouvrage 1 n'est autre que le fort, l'hémicycle proprement dit. En 1881, seules treize de ses casemates sont armées (n° 30 à 42) ; les dix premières par un canon de 30 (165 mm), les trois dernières par un obusier de 22 c lisse. Notons toutefois que cet armement avait été déclassé depuis 1875. Nous ignorons si un jour, chaque embrasure fut armée, mais nous devons avouer être curieux de savoir comment on pouvait assurer le service d'un obusier de 22 c lisse depuis ce genre de casemate sans modifier l'embrasure. Une des casemates de l'hémicycle, la n° 14, recevra un feu de tir en 1910. Son abri de jour était établi dans la casemate n° 13 et son usine dans la n° 12. La toiture de la caserne de gorge recevra un poste de commandement en béton, en fait le poste de commande du projecteur, depuis lequel d'éventuelles communications optiques pouvaient être assurées vers les batteries de Nacqueville et d'Amfréville. Nous retiendrons également sur cette toiture, l'assommoir, plus décoratif que réellement défensif, surmontant le porche d'entrée principal. Cet ouvrage 1 est bâti en granit (arkose ?) et en schistes verts dont l'appareillage est superbe. L'ouvrage 3 englobe l'entrée de l'enveloppe, des casernes et des magasins ajoutés en 1874 sur la gauche après l'entrée. Cet alignement de magasins et de chambrées comprend en son centre deux citernes construites en élévation et au niveau du premier étage, à l'arrière, un chemin couvert permettait de servir les créneaux de fusillade de l'escarpe du front de tête entre hémicycle et ouvrage 4. Cet ouvrage 3 comprend aussi, un magasin à poudre du modèle 1874, situé sous le parapet de l'escarpe de gorge, à l'arrière droit du fort soit côté ouvrage 2. Ce magasin à poudre, à voûte en plein cintre et à trois créneaux à lampe est dans un état moyen, mais le chevron à la jonction des murs et du plancher, chevron destiné à éviter l'accumulation de pulvérin dans les encoignures, est encore visible. Plusieurs barbacanes latérales, donnant dans les gaines de ventilation, sont encore pourvues de leur volet métallique. L'entrée de l'enveloppe possédait un pont-levis à la Poncelet dont seules subsistent les roues ; les masselottes et le tablier ayant disparu. Cette entrée débouche quelques dizaines de mètres en arrière du saillant I de l'ouvrage 1. Enfin, du ravelin déjà évoqué ne subsistent que des pans de murs à sa jonction avec le fossé aquatique. Pour l'anecdote, alors chef de bataillon, le futur général Léon Raffenel (14/08/1856-22/08/1914), commanda le fort de Querqueville et le bataillon du 136ème de ligne qui y était stationné, de décembre 1894 à octobre 1899. Raffenel fut le commandant des troupes françaises lors de la désastreuse bataille de Rossignol (Ardennes belges) lors de laquelle il périt. Aujourd'hui (06/2007), la presse locale fait état d'une probable mise en vente de l'ensemble des 4 ouvrages or, il semble bien que l'hémicycle, un des plus spectaculaires au monde, ne soit même pas inscrit à l'inventaire du patrimoine historique. Selon que l'on soit optimiste ou pessimiste, chacun se fera sa propre vision de l'avenir de cet ensemble fortifié sans pareil dans l'Hexagone. En attendant, le fort fait encore partie du périmètre de l'école des Fourriers mais peut être visité chaque année, en juin, à l'occasion de la journée portes ouvertes de cette école.